En Mars 1944, Kammler est chargé d'enterrer l'industrie aéronautique. Pour la construction de ces chantiers de creusement de souterrains, ont fait venir de la main d'œuvre concentrationnaire de Buchenwald. Dora étant déjà surpeuplé, on créé de nouveaux camps: Harzungen et Ellrich. Ces deux camps doivent être pensés ensemble d'une part par les échanges réguliers de détenus qu'ils pratiquaient et d'autre part leur travaux communx. De plus, Ellrich n'ayant pas de revier dans un premier temps, les déportés malades ou blessés de ce camp, rejoignaient le revier d'Harzungen.
 
 
Harzungen

   En juin 1944, la construction d'Harzungen est terminée. Harzungen était un camp satellite de Dora, au même titre qu'Ellrich, et comme celui-ci, un dortoir, mais un petit camp où l'effectif ne dépassa jamais 4000 détenus. Le 2 avril 1944, il y a 617 détenus à Harzungen. Après un bref arrêt à Dora, autours du 11 mai, arrive un convoi de 600 tziganes. En même temps se mêlent des arrivants polonais, russes, français, belges, etc. Le camp comptait 14 baraques dont 10 blocs pour le logement des détenus, 2 pour le revier et enfin 2 autres pour les gardiens. Ces derniers sont dans un premier temps des SS puis des soldats de la Luftwaffe. Harzungen peut alors accueillir jusqu'à 4000 détenus. Un ruisseau traverse enfin le camp. Pour se rendre aux chantiers, les déportés étaient transportés en camions militaires puis en tracteurs avec des remorques et enfin dès août 1944, en train. En février 1945, le charbon se fait rare et les déportés doivent rejoindre leur kommando de travail à pied, sur 10km.

   Comme dans tous les camps, les témoignages des rescapés sont très divers. Cependant, beaucoup s'accordent à dire qu'ils eurent certes à subir des travaux en extérieur très pénibles mais rencontrèrent aussi une vie au camp relativement moins dure que dans d'autres camps. Ainsi, ils échappèrent aux violences gratuites et aux appels interminables. De plus, ils réussirent à entretenir une certaine hygiène dans les blocks de sorte à éviter jusque début 1945 la prolifération des poux. Egalement, l'approvisionnement se fit régulièrement. Le commandant du camp est lui-même plutôt libéral puisqu'il autorise la célébration de la messe de Noël en 1944. Ces traitements sont à nuancés avec la dureté des conditions de travail pour le creusement des souterrains: efforts physiques intenses pendant plus de 8 heures, hommes arc-boutés, échafaudages en équilibre menant régulièrement à des chutes, éboulis de pierre,... La poussière était stagnante dans les tunnels, l'air est irrespirable. S'enchaînent alors: tuberculose, silicose, pleurésies, intoxications du sang, furoncle, anthrax, oedèmes...
Le revier était sous la direction de deux français. Comme dans de nombreux camps, l'équipe médicale était constituée de déportés. Ces derniers n'étaient généralement ni médecins ni infirmiers. Cette équipe comprend 18 infirmiers dont 4 français. Le revier permet une certaine pause dans le rythme aliénant d'Harzungen. L'équipe essai toujours d'aider aux mieux les détenus les plus en difficultés en les changeant de kommando, en les affectant au camp...

   Dès l'hiver 1944, le camp est surpeuplé: la discipline est de plus en plus sévère, la situation sanitaire se dégrade, l'épuisement des déportés est à son comble, le froid pénètre les corps. Les transports de cadavres vers Dora est continu.

   Le 5 avril 1945, l'ordre d'évacuation est donné. Deux convois furent formés: le premier était celui d'une des nombreuses marches de la mort, les déportés marchèrent pendant 10 jours jusque leurs libérations par les alliés. Dans le second convoi, ferroviaire cette fois, s'entassèrent un millier de détenu dans des wagons et plate-formes. Le 10 avril, le train stoppa et les valides entamèrent une marche de 5km à destination de Bergen Belsen. Les morts sont jetés dans des fourgons. Ceux qui n'arrivaient plus à suivre la cadence infernale étaient abattus et jetés dans le fossé. Les alliés arrivèrent le 15 avril.
 
 
 
Ellrich

   Le camp d'Ellrich est installé sur l'emplacement d'une ancienne fabrique de plâtre, avec un vaste terrain en friche et limitrophe de la gare du village d'Ellrich. Dès le 1er mai 1944, des déportés sont transférés dans un premier bâtiment d'Ellrich qui est divisé en 3 blocks. Dans un premier temps, les détenus dorment par terre puis dans des châlits. Une simple fosse sert de latrines. Fin mai est utilisé un nouveau block dans un autre bâtiment en brique. Le dernier bâtiment édifié est le crématoire, sur la colline et ne fonctionne qu'en mars 1945. Le camp était gardé par des SS installés dans des villas proches du camp.

   Un marais jouxte les bâtiments du camp. Les déportés doivent l'assécher en arrachant d'une part les roseaux puis en le comblant par des pierres. Après une journée d'esclavage arasante, chaque détenu devait porter tout le long du chemin du retour un pierre pour ensuite la déposer dans le marais. Le trajet de la gare d'Ellrich aux chantiers se fait par train.

   Fin mai, un convoi de juifs hongrois arrive à Dora. Une grande partie est transférée à Ellrich. Dans ce camp se côtoient des tsiganes, des Polonais, des Russes, des Tchèques, des Français et des Belges. Fin mai, on compte 1696 détenus, 2880 en juin, 4104 en juillet, 6187 en août et 8198 fin septembre. Après ces augmentations fulgurantes, le nombre diminue pendant l'hiver : 7957 en octobre et 6571 en janvier. Le dernier comptage du 31 mars donne un effectif de 7259 détenus.

   Comme à Harzungen, les détenus d'Ellrich travaillaient au creusement de souterrains mais aussi à des kommandos spécialisés comme celui de la forge, des peintres…

   A Ellrich, l'insuffisance de vêtements et de chaussures participait aux conditions terribles de vie des détenus. Ainsi, pour palier à ce manque, les SS décident fin novembre que tous les " inutilisables ", les malades autrement dit, doivent être nus.

   Mi-février 1945, la fabrique de pain qui ravitaillait Ellrich est détruite causant la famine. La seule subsistance solide des détenus disparaissait ne leur laissant qu'une soupe claire, presque translucide, de navets et de rutabagas. A Dora et Harzungen, ce manque de pain était modéré par la distribution de pommes de terre.

   Au revier, il était impossible de soigner les malades. Ceux qui y étaient acceptés venaient y mourir. L'équipe médicale était dirigée par un médecin de Varsovie. Seuls ceux qui réussissaient à être transférés au revier de Dora par les convois de cadavres, avaient une chance d'être sauvé.

   Les alliés approchant, les évacuations commencent. Ainsi, un convoi est organisé le 3 mars 1945 pour évacuer 1602 détenus d'Ellrich. Ce convoi aboutit à la Boelcke Kaserne de Nordhausen. Le 6 mars, un nouveau convoi de 1184 détenus d'Ellrich issu du convoi précédent, part de Nordhausen pour une destination inconnue. De ce convoi d'évacuation la majorité est décédée ou disparue.

  Ellrich est totalement évacué le 4 avril 1945, le revier le 5 avril.
 
 
Pour compléter cette rubrique, voici deux plans de Harzungen :